Le programme 2017 du FN était idiot.
Quoiqu’on puisse penser du volet sociétal des promesse FN (immigration maîtrisée,
lutte contre l’islamisme, retour à l’ordre, etc.) toutes résolutions qui ne peuvent
qu’être soutenues sous réserve d'une application raisonnée, il y a eu hélas le reste, largement moins réaliste.
Chacun sait que le gourou Philippot lorgne du coté de la gauche, en
direction de laquelle il interprète la danse des sept voiles depuis plusieurs
années, avec un succès certain : la majorité des ex-communistes s’est
tourné vers le FN, tout comme le vote ouvrier, qui a basculé (tout ceci avant l'arrivée de la fusée Mélenchon). Fort logiquement,
le programme 2017 de la candidate Marine a repris les axes majeurs de cette
inflexion idéologique sauce Florian, dans une tonalité que ne renierait pas feu
Jacques Duclos, flanqué de l’enragée Jeannette Vermeersch. Revenons donc sur ce programme (en gros le même que celui qui avait échoué en 2012).
Aucun parti de gauche n’a
jamais osé produire un tel catalogue à la Prévert de dépenses non financées. Le
budget de la Défense est ainsi augmenté de 40 milliards, avec notamment la mise
en chantier d’un inutile porte-avions. Le FN crée en outre une "prime de pouvoir d'achat " de 80
euros par mois pour tous les salariés sans distinction, ainsi que pour les
retraités gagnant moins de 1500 euros. C’est fort généreux mais qui financera
ce beau geste se traduisant en milliards ? Le FN revalorise aussi les
prestations sociales, pourtant sources de fraudes multiples et de déficits, et
promet des recrutements tous azimuts dans la police, la gendarmerie, la
magistrature, les douanes et les hôpitaux. C’est la fête ! La réduction du
nombre de fonctionnaires ? Pas question, on embauche ! Au final,
selon le très neutre Institut de
l'entreprise, organisme proche des PME, l'addition s'élèverait à au moins
85 milliards de dépenses nouvelles – sans prendre en compte l’augmentation des
dépenses liées à la Défense évoquées précédemment. Selon le commandant en
second Philippot, l'Etat devrait aussi assumer deux investissements très lourds :
la création de 40 000 places de prison, acte en soi non critiquable, mais qui
coûterait près de 5 milliards d’euros, adjoint à la nationalisation des sociétés
d'autoroutes (là on nage dans le productivisme soviétique des années cinquante),
évaluée à 30 milliards par les experts ! Passons au chapitre des retraites. Florian
est le seul, avec les chevelus du Front de Gauche, à prôner une retraite à 60
ans - elle est à 62 à l’heure actuelle - quand l'âge légal recule au fur et à
mesure que s'allonge l'espérance de vie dans les pays développés. La
France a déjà l'âge de départ effectif
en retraite le plus précoce : 59,4 ans en moyenne à cause des régimes spéciaux délirants
du secteur public , contre 64,6 ans en moyenne dans les pays de l'OCDE. Or la
France est un pays à la pyramide des âges inversé, c’est à dire qu’il y a plus
de personnes âgées que de jeunes gaillards, pour faire court ; la partie
de Molière consacre 15 % de son PIB à la seule gestion des retraites. Le régime
général n'est revenu à l'équilibre que très récemment. Selon une étude du
ministère des Affaires sociales, le recul de deux ans de l'âge légal inclus
dans la loi Woerth de 2010 permettra d'améliorer le solde du régime général de
14,4 milliards en 2020 et de 12,7 milliards à horizon 2040. Or le démiurge de
la rue des Suisses veut revenir aux 40 années de cotisation, comme son alter
égo Mélenchon. A la clé, un manque à gagner immédiat estimé à près de 16
milliards. Au total ce projet utopique creuserait, selon les projections du Ministère,
un trou de 32 milliards en 2040, et ce pour les seules retraites du régime
général, hors fonction publique et régimes complémentaires.
Regardons à présent à la fameuse
sortie de l’Euro. Beaucoup souhaitent le retour au
Franc, en s’appuyant sur l’exemple heureux du Brexit. Hélas, il faut tempérer l’enthousiasme
de ces ardents patriotes. Il y a deux différences de taille entre la Grande
Bretagne et nous : d’une part un taux d’endettement par ménage bien plus
faible, mais surtout, outre-Manche, une monnaie nationale, la Livre Sterling !
En effet, les adeptes du rosbeef à la menthe n’ont jamais, contrairement aux
imprudents gaulois, adopté l’Euro ; ils ont adhéré à l’Espace Européen en conservant
leur indépendance monétaire, tout comme les avisés suédois et les rusés Danois.
La sortie de l’Europe n’a donc pas d’impact direct sur leur devise.
Vol au dessus d’un nid de cocus
Redonner à la France sa souveraineté est fort louable, sauf si on a
une dette extérieure libellée en euros qui s'élève déjà à 325 % du PIB, Etat et
secteur privé confondu, pour un montant digne de l’Everest (6 300 milliards). Les
économistes du FN ont cru avoir trouvé la parade : ils brandissent la vieille
recette de la lex monetae, qui autorise en théorie un pays à renommer sa
dette dans la monnaie de son choix. L'essentiel de la dette publique étant sous
contrat français, l'Etat rembourserait ainsi les prêteurs étrangers en Francs
et leur ferait payer le coût inévitable de la dévaluation consécutive à la
sortie de l’Euro. Tout ceci semble séduisant, mais dans les faits le principe
de la lex monetae s’avère inapplicable : rompre unilatéralement les contrats actuels en changeant de devise
entrainerait la cessation immédiate des prêts à court terme. Leur reconduction serait,
à la suite d’un bras de fer inévitable, accordée en échange de l’augmentation
des taux d’intérêts, comme par exemple chez nos voisins Grecs, qui empruntent
désormais à des taux de l’ordre de 8 % parce qu’ils se trouvent en situation de
faiblesse. Il se trouve que la situation de la France est la suivante :
chaque jour, nous empruntons sur les marchés à peu près 280 millions d’Euros pour
joindre les deux bouts, auquel il convient d’adjoindre 520 millions, qui
servent eux à boucher les trous antérieurs de la dette déjà en cours. Le total
est donc de 800 millions par jour à trouver, faute de quoi le défaut de
paiement, puis la cessation - y compris des prestations et des salaires du
secteur public - se déclenchent. Le lecteur note que ces cas ne sont pas
théoriques, il en a existé de bien réels dans l’Histoire récente : Mexique
(1981) ou Argentine (2001) où policiers et infirmières, par exemple, n’étaient plus payés durant des mois. Si la
dette publique vis-à-vis des investisseurs étrangers représente environ 60 % du
PIB, le reste est détenue par les Français via leurs assurances-vie (nous y
reviendrons). Quant à la dette d’essence privée des grands groupes, elle relève
du droit étranger pour l’essentiel. Les
entreprises comme la SNCF, EDF ou les banques empruntent sous contrat étranger
pour financer leurs activités. La sortie de l'euro et le retour au
Franc, pour souhaitable qu’ils soient in
abstracto, aboutirait donc à une hausse de la prime de risque exigée par
les prêteurs étrangers, et des taux payés par l'Etat et les banques. Que répond
le FN ? Il autoriserait à nouveau, faisant fi des traités internationaux
en vigueur, le financement de la dette par la Banque de France. Voilà une mâle
attitude, mais aussitôt ce serait le retour de la planche à billets et de
l’inflation, qui se traduiraient par une réduction automatique de la valeur des
biens mobiliers et immobiliers, et par l’amaigrissement à bas bruit de
l’épargne : avec une inflation à 8 % vos biens et économies diminuent de moitié
au bout de six ans. Dans un tel contexte (sortie de l’Euro, retour au Franc
avec dévaluation, augmentation des taux d’intérêt) l’assurance vie des Français
- qui abonde 40 % de la dette totale de
la France - subirait une attaque frontale de grande ampleur. Votre
assurance vie c’est de la dette ; les fonds en euros sont investis pour
l’essentiel en obligations émises par les gouvernements français successifs aux
abois. Contracter une assurance-vie consiste à échanger de l’argent bien réel -
fruit d’une vente immobilière par exemple - contre des lettres de créances sans
garantie claire, attendu que la France emprunte non pour investir, mais pour
couvrir des déficits imprudemment engagés. Pire : votre argent sert au
fond - de manière indirecte - à nourrir le veau d’or, les aides à gogo,
les dépenses somptuaires, la gabegie chronique, etc. Les contribuables floués, sans souvent s’en rendre compte,
permettent ainsi à nos élus de continuer à emprunter sans
réformer. Pour parer aux défaillances, les assureurs constituent certes des
provisions, mais limités : 70 000 €, par personne et par établissement
financier. Mais il y a plus grave. Depuis 2010, le
code monétaire et financier dans son article L612-33 prévoit de «suspendre, restreindre ou
interdire temporairement la libre disposition des avoirs.» En clair, si il y avait panique générale, l’argent thésaurisé ne
pourrait être débloqué sans une autorisation préalable du gouvernement en
place.
Bien entendu, le Front National n’est
nullement responsable de cette effroyable gabegie : il en aurait hérité tout
au plus, s’il avait été en mesure de gouverner. Néanmoins, l’application de son
programme économique dépensier aurait produit d’innombrables effets pervers, pour
les raisons suivantes : dorénavant toutes les économies sont intriquées,
et la France surendettée ne dispose plus de marges de manœuvre, sauf à défier
les organismes prêteurs, leur imposer urbi
et orbi l’abandon des créances, sortir de l’économie mondiale. S’isoler de la sorte ne résoudrait pas les
problèmes structurels qui nous minent, aggravés chaque minute par les dépenses
d’un Etat obèse et d’une dépense sociale folle, et la menace d’un terrible
krach intérieur serait tangible. La sortie de l’Euro est certes un but à
atteindre, mais d’une manière concertée et conjointe avec les Etats-membres, un
délai allongé, et une réflexion globale sur la dette.