Les 7 erreurs de Marine Le Pen
La Chance historique de 2017 a été gâchée. Jamais dans l’histoire de la Vème république le FN n’aura connu en effet un tel alignement des planètes pour vaincre, ou se rapprocher de ce résultat. Et il n'est pas certain que Marine Le Pen se remette jamais de ce Trafalgar...
Qu’on en juge :
- Un quinquennat vécu par tous comme un incroyable ratage, avec un Président qui dévaste son propre parti, puis, par son tempérament indécis, se déconsidère au point qu’il ne puisse se représenter, fait inédit dans toute l’histoire de la Vème.
- Une gauche (vraie ou fausse) explosée en trois candidatures distinctes - Mélenchon, Hamon, Macron.
- Une droite à l’agonie, les deux pieds dans le béton à cause de son candidat châtelain.
- Un malaise croissant qui donne des ailes aux partis nationalistes en Europe : débats récurrents sur la viande hallal, à l’école et dans les abattoirs, sur la burka, le burkini, enfin attentats sanglants à Paris et Nice ; ces faits cumulés ont générés une crispation dans toutes les couches de la société. Et la future menace de migrants débarquant par milliers préoccupe nombre d’esprits.
Quelles furent, donc, les erreurs multiples de la candidate et de son gourou Florian ? Détaillons-les à présent.
Erreur 1. Le programme. Non seulement le programme prévoyait une dépense publique démultipliée, mais il était surtout la quasi copie carbone de celui de 2012, les fameux colloques et consultations diverses présidant à sa conception en 2016 n’ayant eu visiblement aucun impact sur ce bricolage dada. En outre, en axant le programme sur la seule économie, le FN a retiré de sa manche son meilleur atout : la faiblesse de la réponse politique française à l’islamisme radical, les acteurs politiques traditionnels étant paralysés par une éventuelle accusation de racisme, à droite comme à gauche.
Erreur 2. Les fluctuations sur l’Euro. Entre Octobre 2016 et Mai 2017, la candidate Marine aura changé de cap plusieurs fois, sans jamais rester ferme. L’électeur interloqué aura ainsi vu se succéder plusieurs versions antagonistes d’un même sujet crucial, lié à la monnaie : il y eut la sortie pure et simple de l’euro, puis soudainement un référendum préalable au bout de six mois de « discussions », puis, enfin, le gadget improbable de deux monnaies co-existantes, le franc et l’euro, tout ceci expliqué tant bien que mal au moyen de fiches, avec la pénible impression que la récitante ne comprenait pas elle-même les phrases lues. Le problème de l’augmentation mathématique de la dette et d’attaques certaines sur l’épargne via la dévaluation puis l’inflation en cas d’abandon de l’Euro, écarté d’un revers de main par le sobre « un franc vaudra un euro », n’était pas non plus fait pour rassurer. On notera aussi d’autres revirements aberrants sur le programme, non expliqués : la retraite à soixante ans, par exemple – prévue tout de suite dans le programme présenté en Janvier, puis soudain repoussée à un délai de cinq ans, ceci une semaine avant le second tour, sans explications !
Erreur 3. Lieutenants pas à la hauteur. Dix pour cent des élus FN ont quitté le parti depuis 2015 ! L’équipe entourant la candidate a été incapable de produire des visages nouveaux et surtout les fameux experts surdiplômés (dont on nous promettait la naissance médiatique pour cette élection 2017) n’existaient pas en réalité. En outre, les deux meilleurs orateurs du FN, et seuls députés, Gilbert Collard et Marion Maréchal, furent mystérieusement absents ou peu visibles, victimes probables des ambitions hégémoniques de Philippot à occuper l’espace médiatique.
Erreur 4. Des discours sans élan. On ignore qui rédigeait les discours de la candidate, mais on n’adresse pas nos félicitations à cet âne. Décousues, sans assises, incroyablement répétitives, ces interventions scandées d’une voix monocorde n’emportaient pas l’adhésion. Du reste, les meetings du FN étaient étrangement atones, la foule se réveillant aux seules évocations d’immigrés méchants.
Erreur 5. Mauvaise stratégie au second tour. Certes les programmes de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon étaient cousins sur de nombreux points. On peut même avancer qu’ils possédaient la caractéristique commune de dépenses multiples non financées, dans une sorte de catharsis où toute réalité s’efface. Il n’était donc pas illogique que, non sans un certain cynisme, la candidate fasse les yeux doux à l’électorat du Chavez français. Néanmoins, en se concentrant uniquement sur cette population des Insoumis, à laquelle elle croyait naïvement plaire, et en ignorant l’électorat de Fillon (pourtant en théorie plus proche, et à qui elle n’a pas envoyé l’esquisse d’un signe amical), la candidate a limité d’elle-même ses capacités à améliorer son score du premier tour. Et ce n’est pas la visite surprise de dernière minute à la cathédrale de Reims des duettistes Marine et Dupont-Aignan, achevée en pantalonnade, qui pouvait soudain fidéliser l’électorat catholique (en théorie proche du FN) ignoré superbement jusque-là.
Erreur 6. Le ralliement à somme neutre de Dupont Aignan. En apparence une prise de choix, le politicard de seconde zone n’aura au final rien apporté dans la corbeille de la mariée. Propulsé Premier Ministre en cas de victoire, ce gaulliste d’opérette n’a pas réussi à convaincre son propre électorat : la moitié à peine de ses maigres 4,8 pour cent ont rallié le vote FN au second tour. Au final que restera-t-il de ce mariage blanc ? Probablement rien, pas même l’honneur du Président de « Debout la France ! », perdu en route.
Erreur 7. Le Waterloo du duel avec Macron. Inutile d’épiloguer sur le débat catastrophique, et unanimement jugé comme tel, conduit par une candidate à la dérive, égarée dans ses notes, agressive, incapable d’exposer le moindre point de vue cohérent : le numéro gênant de Marine Le Pen a consterné jusqu’à ses plus fidèles soutiens, et aura au fond réduit à néant la considération dont elle bénéficiait, au prix d’un travail de plusieurs années, dans les médias. Il n’est que de lire la presse dite de droite, où certains la couvaient d’un regard bienveillant - que ce soit l’hebdomadaire Valeurs Actuelles, le tribun du Figaro Ivan Rioufol, ou même son ex-copain Eric Zemmour, avec qui elle déjeunait parfois, tous se détournent dorénavant d’elle. Les éditoriaux des uns et autres sont dorénavant emprunts de méfiance, de réserves, avec un constat unanime : Marine Le Pen ne parait pas aujourd’hui avoir l’étoffe d’une dirigeante de premier plan. Il lui faudrait une reconstruction totale, beaucoup de travail aussi. L’improvisation désinvolte et les trucs de chansonniers ne suffisent pas, passé un certain niveau.
Après ce Trafalgar personnel, quel sera son avenir ?
Il se trouve que la structure interne du FN, en apparence démocratique avec son « bureau exécutif », son « bureau politique », son « conseil national » et autre dénominations pompeuses, est dans les fait dirigée par la seule Marine, qui prend toutes les décisions sous les applaudissements de courtisans nommés par elle, les autres faisant de la figuration. Elle peut donc techniquement se maintenir comme chef incontesté.
Oui, mais… Comment se présenter une troisième fois à l’élection Présidentielle, mère de toutes les batailles, avec la quasi-certitude de perdre ? Et du côté des militants, dont certains prennent le large, pourquoi diable soutenir une défaite programmée ?
Ce sera l’enjeu des cinq années à venir au FN.